André Lecours
Université d’Ottawa
L’auteur éclaircit quatre enjeux auxquels font face les systèmes fédéraux d’aujourd’hui :
1. la gestion de la diversité, qu’elle soit ethnique, religieuse, linguistique ou nationale;
2. la pratique de la démocratie, particulièrement dans des sociétés très complexes où elle a peu d’ancrage;
3. l’équilibre entre le centre et les unités fédérées et entre l’adoption de politiques symétriques ou asymétriques;
4. la quête de stabilité et de justice à travers la redistribution territoriale de la richesse.
– L’auteur commente les expériences de fédéralisme en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Bosnie-Herzégovine, en Espagne, en Éthiopie, en Inde, en Suisse et dans l’Union européenne.
– Il constate que l’existence de partis fédéraux et régionaux partageant une même organisation représente la meilleure garantie pour la stabilité politique au sein des fédérations.
– Le Canada s’inspire de deux modèles de fédéralisme. Le fédéralisme d’union, qui vise principalement à générer plus de puissance et de prospérité, et le fédéralisme de rétention, qui a un objectif principal plus modeste, la survie de l’État. L’état du fédéralisme dans le monde 2010
– L’expérience des fédérations multi-nationales montre qu’il n’existe pas de solutions définitives à la question de la diversité profonde. Gérer cette diversité fait partie de la condition même de ce type de fédérations et il est illusoire de penser qu’elles pourront un jour fonctionner comme ce que plusieurs appellent « des pays normaux ». Le degré de succès d’un arrangement fédéral devrait donc être évalué par sa capacité de gérer plutôt que d’éliminer les conflits. Le fédéralisme peut bien sûr aider à la résolution des conflits, mais il doit être utilisé en combinaison avec d’autres stratégies, telles le partage de pouvoir, la reconnaissance de droits linguistiques ou l’acceptation de politiques asymétriques.
– Il existe un paradoxe empirique intéressant au sujet du fédéralisme contemporain. D’un côté, le modèle fédéral est minoritaire comme mode de gouvernance. Le fédéralisme est dominant en Amérique du Nord (Canada, États-Unis et Mexique) et populaire en Europe (l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie et Herzégovine, la Russie, en plus de l’Espagne qui n’est pas formellement une fédération, mais dont la structure territoriale est d’inspiration fédérale). Il est assez bien représenté en Amérique du Sud (le Brésil, l’Argentine et le Vénézuéla) et en Océanie (l’Australie, la Micronésie), mais est assez peu présent en Afrique (l’Éthiopie, le Nigéria et les Comores), en Asie (l’Inde, le Pakistan et la Malaysie), au Moyen-Orient (les Émirats Arabes Unis et, de manière embryonnaire, l’Irak) et dans les Antilles (St-Kitts et Nevis). D’un autre côté, près de la moitié population mondiale vit dans des fédérations. En effet, parmi les 15 États les plus populeux, neuf sont des fédérations.
– Ce paradoxe mène à un constat important. Le fédéralisme est un modèle de prédilection pour la gouverne de gros États
complexes. De plus, parmi ces États, et les autres plus petits, on remarque plusieurs démocraties bien établies et d’autres pays qui assoient, avec différents niveaux de succès, leur gouvernement sur le principe de la souveraineté populaire. Plusieurs des États fédéraux sont riches ou présentent un potentiel de richesse important en vertu de ressources naturelles.
– Ces observations sont utiles pour comprendre quels sont les enjeux principaux confrontant les systèmes fédéraux aujourd’hui. En effet, les deux plus fondamentaux sont sans doute la gestion de la diversité et la démocratie. L’atteinte d’un équilibre entre le centre et les unités fédérées et la distribution territoriale de la richesse en représente deux autres. Avant de discuter de ces enjeux, le présent texte met de l’avant certaines distinctions conceptuelles et empiriques nécessaires à une meilleure compréhension du fédéralisme et des fédérations.